Il était une fois une histoire à la langue bien pendue et aux enfants saugrenus. Tout spliques étaient les Borogoves (super phrase pour la diction) est un téléfilm français (🐓🎉) de Daniel Le Comte qui date de 1970.
Jouons à “quoi que ça raconte?”
Deux enfants vivant dans un hôtel de montagne tenu par leur parents se retrouvent soudainement confrontés à des objets mystérieux. En rentrant de l’école Philippe, le cadet, trouve un beau jour dans la neige une boîte métallique.
L’origine inconnue de ce contenant et le mystère de son contenu, ne le dissuadent pourtant pas de le ramener à l’hôtel. D’abord gardien de son pactole secret, il finit par mettre dans la confidence sa sœur, Sylvie. Comme tu l’auras compris, ces “jouets” se révèlent fort inhabituels : ils croissent, se multiplient, scintillent, produisent des sons….
Sous les regards tantôt amusés, tantôt soupçonneux des parents, les enfants vont à tâtons découvrir un univers ludique flirtant entre réel et imaginaire. Et l’ensemble découchera sur une fin surprenante…
Pourquoi il faut le voir :
Fortement inspiré de contes aux consonances de rite initiatique et de fable morale, Tout spliques étaient les Borogoves présente un univers à la fois fantasmagorique et commun. L’ambiance générale est jonchée d’une double lecture : le point de vue des parents qui entendent cette découverte comme un monde imaginaire trop incarné par les enfants (qui les mènera à s’inquiéter d’un possible problème psychologique), renforcé par leur attitude placide et rationnelle; et a contrario des adultes “alliés” qui croient en les enfants et leurs expérimentations, les incitant à persévérer dans leur recherche.
Ces derniers protagonistes-alliés semblent se positionner sur deux axes : laisser les enfants exprimer leur imagination fertile pour achever leur rite initiatique, ou les encourager à croire ce qu’ils voient et ressentent comme réel en leur donnant même des pistes de réflexion.
Le thème de la construction identitaire est traitée d’une manière assez subtile : le film place les enfants comme des êtres à part entière et non pas comme des intelligences en devenir. L’adulte n’est pas un ascendant autoritaire mais une posture inquisitrice et déconnectée de leur réalité. Ce thème est également renforcé par l’aspect physique du jeu, vecteur d’une connexion entre toutes les réalités.
Et la science-fiction dans tout ça ?
Encore une fois, après Norway Of Life, je te mets sous les yeux un film de science-fiction aux allures fantastiques. Mais c’est ça qui est fun avec la SF, c’est qu’elle se mêle facilement à d’autres styles. Ici, il est intéressant de voir les limites du flirt entre ces deux univers :
- Des “jouets” sortis de nulle part mais créant des phénomènes inexpliqués : objets magiques ou technologie du futur ?
- Les enfants à travers leur utilisation, affirment y comprendre un message limpide : est-ce une connexion avec une autre dimension – un autre espace temps ? ou plutôt un monde imaginaire fantasque ?
(d’autres éléments peuvent rentrer dans ce prisme de raisonnement mais les dévoiler gâcherait certainement la découverte du film)
Tous ces arguments peuvent être pris comme parti d’un style ou de l’autre mais le mélange des deux fait sens. En effet, la science-fiction ne couvre pas forcément des époques futures lointaines. Bien souvent même, elle est imaginée dans le cadre des technologies existantes, qui sont alors, extrapolées à la limite de l’imaginable connu.
Les petits plus
Le scénario est une adaptation de la nouvelle Tout Smouales étaient les Borogoves écrite en 1943 par Lewis Padgett. Histoire elle-même tirée d’un poème de Lewis Caroll : Jabberwocky. La quête identitaire, le fantasque et l’enfance font donc proximité avec les œuvres de Lewis Caroll, le père d’Alice au Pays des Merveilles et la Traversée du Miroir (qui en est la suite), dont je ne saurais que trop recommander la lecture.
Découvert lors de mes recherches sur ce téléfilm, Mimzy, le messager du futur (de Mimsy Were the Borogoves, le titre anglais de la nouvelle citée auparavant) est un film plus récent adaptant la même histoire (2007). Le crew est cette fois-ci entièrement américain et semble avoir connu plus de succès que la version présentée ici (peut-être grâce à une diffusion plus large).